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Épisode 3 : Dans les couloirs


Églantine a rendez-vous à l'étage de la direction.
Elle a préparé quelques anecdotes rigolotes pour Monsieur Lessig.



   Églantine est de nouveau dans les couloirs de l'entreprise de Monsieur Lessig. Cette fois-ci, elle a pris l'ascenseur social. Elle est au dernier étage de l'immeuble, celui de la direction. Et pour le moins qu'elle puisse en juger, la décoration n'est pas la même qu'à l'étage du support informatique. Si l'objectif de cette décoration est de lui rappeler son niveau social, c'est tout à fait réussi.
   Cela ne rajoute qu'à son nouveau malaise. Elle a bien deux ou trois anecdotes pour tenter d'impressionner Monsieur Lessig mais elle est en train de se rendre compte qu'elle risque de tomber un peu à plat dans un tel endroit. Elle se sent déjà toute petite face à la décoration. Comment va-t-elle se sentir face à une personne qui travaille tous les jours dans ce lieu ? En même temps, c'est elle l'invitée. Il ne l'a probablement pas invitée pour se moquer d'elle.
   Elle est absorbée par ses pensées quand elle se rend compte qu'il n'y a même pas de numéro ou d'indication sur les portes, juste des noms. Pas moyen de se repérer dans ces couloirs. Visiblement, ce lieu n'est pas prévu pour les visites occasionnelles.
   Elle se décide à entrer dans un bureau. Bizarrement, cette fois-ci, il lui paraît évident de frapper à la porte avant d'entrer. C'est ce qu'elle fait.
   Après quelques secondes à tendre l'oreille, il lui semble entendre un "Entrez" provenir de l'intérieur du bureau.
   Elle ouvre la porte. Une femme d'une cinquantaine d'années la dévisage, assise derrière son bureau.
- Bonjour, je suis Églantine, j'ai rendez vous avec Monsieur Lessig.
- Ah ... fait la femme en haussant un peu les sourcils.
   Drôle de façon de dire bonjour se dit Églantine. La femme poursuit.
- Ils sont dans la salle de réunion. Ils vous attendent, je pense.
- Ils ?
- Toute la direction générale.
   Églantine fait un pas en arrière comme pour reprendre son équilibre. Elle vient de prendre un gros coup de massue sur la tête. La direction générale d'une grande entreprise l'attend.
   Ses deux-trois anecdotes lui semblent encore plus ridicules qu'il y a quelques minutes. Monsieur Lessig ne lui a pas du tout parlé d'une présentation. Qu'est ce qu'elle va bien pouvoir leur raconter.
   La femme continue de fixer Églantine avec de grands yeux. Elle demande.
- Vous savez comment y aller ?
   Églantine se dit que ce n'est pas la bonne question. La femme aurait déjà dû lui demander si elle a envie d'y aller.
- Non... répond-elle péniblement.
- C'est très facile, en sortant du bureau, vous prenez à gauche. Vous suivez le couloir et ce sera la troisième porte sur votre gauche.
   Églantine est toujours immobile. Elle arrive à articuler un merci puis sort du bureau. OK, elle doit partir vers sa gauche. Elle se souvient où est sa gauche, tout va bien. Elle compte les portes. Compter jusqu'à trois ne devrait pas lui poser trop de soucis. Quand elle arrive à la troisième porte, celle-ci est entre-baillée. Effectivement, Monsieur Lessig n'est pas seul pour leur première réunion.




   Églantine toque à la porte en même temps qu'elle entre. Autour de la table se trouvent des hommes au moins aussi âgés que M. Lessig. Ils sont tous en costume. Elle en compte près d'une dizaine.
   Elle n'a fait que quelques pas dans la salle que Monsieur Lessig vient à sa rencontre. Elle n'a pas eu le temps de dire quoi que ce soit qu'il la prend par le bras et retourne avec elle dans le couloir.
   Ils sont juste tous les deux, debout au milieu du couloir. Églantine est surprise, elle hausse les sourcils. Monsieur Lessig commence.
- Je voulais juste vous parler un peu avant la réunion.
- La réunion ?
- Ce n'est rien, je vais vous expliquer. Alors, comment s'est passée votre première rencontre avec vos amis... informaticiens ?
- Les ouinedoziens.
- Oui, c'est ça.
- Le premier contact s'est bien passé, dans l'ensemble.
- Pas de soucis ?
- À part le fait qu'ils ont beaucoup de symptômes de ouinedoziens, il n'y a pas de soucis particulier. En ce qui me concerne.
- Bon, donc pas besoin que je passe un quelconque message.
- Oh non, ce serait une très mauvaise chose. D'abord parce que je ne pourrai plus rien demander, ensuite parce que je peux me débrouiller toute seule. Je ne suis pas en danger, c'est surtout un combat du savoir contre l'ignorance.
   Monsieur Lessig ne peut s'empêcher d'avoir une moue d'étonnement.
- Rien que ça...
- Oui. Ils ne sont pas méchants. Ils ont juste choisi de ne pas savoir. Et pour être franche, j'ai bien moins peur des ouinedoziens du premier étage que des personnes dans cette salle.
- Ah oui, la réunion...
- Oui, la réunion. C'est bien nécessaire de faire venir tous vos directeurs ... pour un simple test de quinze jours.
   Monsieur Lessig fait mine d'être un peu contrarié. Il marque une petite pause.
- Ici, ... cette entreprise, c'est mon royaume. Peu de personne ose me demander si ce que je fais est... nécessaire.
   Églantine se rend compte de la familiarité de sa remarque.
- Je suis désolée, je ...
- Il n'y a pas de mal. C'est aussi une des raisons pour laquelle j'ai voulu vous parler à part. Vous n'êtes pas chez un particulier ici. Vous êtes dans une entreprise avec une hiérarchie. Si vous me posez cette question en tête à tête, cela peut être vexant, au plus. Si vous me posez cette question devant d'autres employés, cela peut devenir ennuyeux ... pour ma fonction.
   Églantine baisse la tête, elle ne sait pas quoi répondre.
- Ici, vous n'avez pas d'amis. Vous n'avez que des collègues ou des supérieurs hiérarchiques. Donc pas de familiarité, à priori. Ensuite, chacun est humain et les relations évoluent selon les affinités.
- Bien, monsieur.
- Je sais très bien que je ne vous changerai pas en quelques semaines. Donc soyez attentive, si je dois vous reprendre. Pour que ce soit le plus discret possible.
- Bien.
Court silence. C'est Églantine qui le coupe.
- Alors, cette réunion ?
- Ah oui. Vous m'avez bien perturbé lors de notre première discussion, chez moi. Donc j'ai posé quelques questions à droite et à gauche. Et je suis encore plus perturbé.
- Vous avez posé des questions ?
- Oui, juste comme ça.
- Et les personnes à qui vous avez posé les questions ne peuvent pas faire ma mission ?
- Probablement. Mais c'est vous que je veux.
- Quoi ?
- Comme je vous ai dit, notre première discussion m'a perturbé. Ce n'est pas souvent qu'une personne de votre âge me fait la leçon. Je veux voir ce que vous allez faire face à une horde de directeurs.
- Merci ... du fond du coeur.
- Vous voulez changer le monde. Ce ne sont pas quelques directeurs qui doivent vous faire peur. Ils ne sont pas méchants. Juste, ils ne savent pas.
   Monsieur Lessig fait un large sourire à Églantine qui elle, ne sourit pas du tout. Il lui fait signe du bras qu'il est temps d'entrer dans l'arène. Églantine jette un regard vers l'entre-bâillement de la porte, puis regarde Monsieur Lessig qui semble ravi. Elle entre dans la salle de réunion. Dès qu'ils sont tous les deux dans la pièce, Monsieur Lessig prend la parole. Il interrompt par la même occasion toutes les discussions qui avaient lieu autour de la table.
- Messieurs, voici Églantine, la personne dont je vous ai parlé.
- C'est donc elle, votre nouvelle merveille qui va changer nos vies ? demande un des directeurs.
   Coup de pression pour Églantine. Monsieur Lessig lui sourit pour essayer de la réconforter. Il lui présente une place vide et lui propose d'aller s'y installer.





Ce qu'il faut retenir :
- Églantine n'est pas prête pour travailler dans une entrepise.

- Mais elle a un puissant protecteur.



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